Diversité socio-spatiale
et l’exclusion sociale des personnes âgées
COLLOQUE
Diversité socio-spatiale et l’exclusion sociale des personnes âgées
21 octobre 2021, virtuel
Ce colloque met en lumière et vise à enrichir les travaux de l’axe de recherche 3 de l’équipe VIES et s’est tenu dans le cadre de la 50e Réunion scientifique et éducative annuelle de l’Association canadienne de gérontologie (CAG).
Chercheur.es responsables :
Meghan Joy, Université Concordia
Patrik Marier, Université Concordia
Présentation du colloque :
La recherche et la pratique en gérontologie sociale vise à comprendre les expériences, les besoins et les désirs des personnes âgées incluant celles qui sont le plus à risque d’être marginalisées et socialement exclues. Les communications de l’atelier analysent les réalités des personnes âgées en tant que groupe hétérogène, vivant dans des environnements et des systèmes politiques hétérogènes qui ne se sont pas toujours adaptés à la diversité de cette population. Les communications s’inscrivent dans la continuité des travaux des membres de l’équipe de recherche VIES (Vieillissements, exclusions sociales et solidarités), qui définissent l’exclusion sociale comme un processus de non-reconnaissance et de privation de droits et de ressources envers certains individus ou segments de la population, entraînant une augmentation des inégalités et de la marginalisation dans diverses sphères de la vie (Billette et Lavoie, 2010). Lors de ce symposium, les participants discuteront chacun de la manière dont leurs projets de recherche éclairent ces processus d’exclusion sociale. L’atelier cherche aussi à stimuler les échanges sur la manière dont la discipline de la gérontologie sociale aborde les questions de diversité socio-spatiale et d’exclusion sociale dans son programme de recherche. Enfin, l’atelier explorera des pistes afin d’envisager un avenir pour la discipline de la gérontologie sociale qui peut éclairer les politiques et les pratiques pour améliorer la vie quotidienne de toutes les personnes âgées.
Résumés des communications
Diversité socio-spatiale et l’exclusion sociale des personnes âgées
Politiques publiques et l’exclusion sociale des personnes âgées à risque de marginalisation (Meghan Joy et coll.)
Meghan Joy, Patrik Marier et Sandra Smele (Université Concordia)
La province de Québec et ses municipalités sont reconnues en matière de politiques dans les domaines du vieillissement sur place et des municipalités amies des aînés (MADA). Récemment, il y a eu une préoccupation de la part de la province pour mieux comprendre la réalité des personnes âgées «à risque d’être marginalisées» (Gouvernement du Québec, 2018, p. 81). Cela est important parce que ces politiques s’appliquent à un groupe diversifié de personnes âgées dans un paysage géographique et politique hétérogène. Nous examinons la manière dont ces politiques prennent en compte et promettent de répondre aux besoins en matière de santé et de services sociaux de certaines des personnes âgées les plus marginalisées de la province. Cela comprend les personnes âgées qui ont déjà été incarcérées; ont connu des problèmes de santé mentale; font partie de la communauté LGBTQ +; ont immigré au Québec; vivent avec de faibles revenus dans des régions non métropolitaines; et, ont vécu l’itinérance. L’étude utilisera une approche narrative pour examiner les politiques québécoises sur le vieillissement sur place ainsi que les MADA à Montréal (et ses arrondissements), à Québec et en Gaspésie. Une analyse similaire sera effectuée sur les politiques destinées à répondre aux besoins de ces groupes identitaires plus larges afin d’examiner les façons dont ils tiennent compte des expériences de vieillissement. Le but de cette analyse est d’identifier les pratiques exemplaires en matière de politiques et de recommander des améliorations dans le soutien aux personnes âgées à risque de marginalisation.
Les enjeux de coordination et de gouvernance pour les personnes âgées marginalisées (Patrik Marier et coll.)
Patrik Marier, Meghan Joy et Sandra Smele (Université Concordia)
Les personnes âgées marginalisées doivent composer avec plusieurs obstacles afin de recevoir un soutien adéquat en vieillissant dont la non-reconnaissance de leurs besoins, la stigmatisation, et les faibles ressources des organismes communautaires et publics pouvant les appuyer. Cette communication explore une avenue administrative et propose un « scoping review » des publications scientifiques concernant les enjeux de coordination et de gouvernance pour les populations âgées marginalisées. Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche auprès de six populations âgées marginalisées (judiciarisées, LGBT, immigrantes, itinérantes, à faible revenu dans des régions non-métropolitaines, et ayant vécu des problèmes de santé mentale) qui vise à identifier les obstacles administratifs pour accéder aux services publics et assurer une continuité de services entre les organismes communautaires et les services publics. Il a aussi comme objectif de trouver des pistes de solution pour améliorer la collaboration et la coordination des services.
Le vieillissement des migrants et la citoyenneté pour les « Anges gardiens » de la Covid-19 (Sandra Smele)
Sandra Smele (Université Concordia)
Les recherches sur les personnes aînées immigrantes démontrent que ce groupe expérimente plusieurs barrières à la santé et bien-être (Brotman et al. 2019), et sont de moins bienvenues au Canada (Braedley et al. 2019). Dans le contexte de la pandémie, toutefois, il y a eu reconnaissance du rôle clé de plusieurs immigrants sans statut dans la prestation de soins dans les milieux d’hébergement, ce qui a contribué aux promesses politiques de rendre la citoyenneté plus accessible à ces « anges gardiens ». Tandis que les prestataires de soins ne sont pas généralement identifiés comme étant des personnes vieillissantes, des recherches sur l’impact des conditions de leur travail sur leur santé et bien-être (Daly, Bourgeault, Aubrecht, 2020), ainsi que des recherches démontrant l’impact négatif du racisme sur le corps (Timothy, 2018), indique la possibilité que ces citoyens potentiels vivent un vieillissement plus rapide. En s’appuyant sur les travaux théoriques de Thobani concernant l’exaltation du citoyen canadien (2007), cette présentation analyse le discours « d’immigrants méritants » qui a émergé dans la pandémie, et le met dans le contexte historique de la conceptualisation racisée des ‘vrais’ citoyens et les conditions particuliers sous lesquelles les ‘Autres’ expérimente la citoyenneté au Canada. Cette présentation examine comment ce discours a circulé à Montréal, une ville où plusieurs prestataires de soins sont des immigrants racisés sans statuts, situé dans une province avec une vieillissement de la population très rapide et où les leaders politiques ont nié l’existence du racisme systémique à maintes reprises.
La reconnaissance de la sexualité des personnes âgées en contexte institutionnel : une analyse croisée des réalités vécues dans les services de soins palliatifs et par la population atteinte de démence dans les hébergements de soins de longue durée (Isabelle Wallach)
Isabelle Wallach (Université de Québec à Montréal)
Cette présentation vise à porter un regard analytique sur la (non-)reconnaissance, en contexte institutionnel, de la sexualité de deux populations de personnes âgées dont les réalités sont rarement croisées, à savoir celles ayant un pronostic de fin de vie et celles atteintes de démence. Pour ce faire, nous nous baserons sur des données issues, d’une part, d’un projet de recherche qualitative sur la sexualité des personnes âgées en soins palliatifs et d’autre part, d’une recension d’écrits sur la sexualité des personnes âgées atteintes de démence dans les hébergements de soins de longue durée. Bien que ces données s’ancrent dans deux contextes différents, leur mise en dialogue agit comme un révélateur et met au jour des enjeux transversaux relatifs à l’exclusion sociale qui seraient moins visibles sans cette analyse croisée. Parmi ces enjeux, on peut noter le malaise des intervenants face à leur expression sexuelle, la lecture stéréotypée de leur sexualité en termes de désexualisation/hypersexualisation, le déni de leur droit à l’expression sexuelle et la non-reconnaissance de leur subjectivité sexuelle. Une lecture de ces enjeux à la lumière des approches anti-oppressives laisse à penser que ces attitudes s’enracinent dans des visions de ces populations et de la sexualité teintées par l’âgisme, le capacitisme et l’hétérosexisme. Pour conclure, cette présentation met en évidence que les recherches en gérontologie sociale et sur l’exclusion sociale gagnent à décloisonner leurs objets d’étude pour mettre au jour les valeurs et logiques sous-jacentes à la non-reconnaissance et au déni des droits qui touchent certaines populations âgées.
Construction de la vulnérabilité environnementale : un concept à l’intersection de deux approches de la gérontologie (Rana Boubaker et Paula Negron-Poblete)
Rana Boubaker et Paula Negron-Poblete (Université de Montréal)
La gérontologie environnementale souligne que la personne âgée maintient une influence réciproque avec son environnement. Une interaction équilibrée entre l’aîné et son environnement se distingue par le bon niveau d’adaptation aux pressions de celui-ci (Lawton & Nahemow, 1973); grâce aux capacités personnelles et aux ressources de la personne. C’est dans la zone de maîtrise que l’aîné se sent compétent et a le contrôle sur son environnement (Golant, 2012). Dans la zone de confort, il jouit plutôt du plaisir qu’il a envers le lieu, particulièrement son logement. La personne âgée habitera l’environnement idéal quand son lieu de résidence est dans les deux zones à la fois. Dans le cas contraire, elle est dans un environnement résidentiel incongru (Kahana, 1982). Or, comme le rappelle la gérontologie géographique, l’espace urbain se transforme constamment et ces changements (sociaux, spatiaux) agissent sur le contrôle de la personne sur son environnement, la sortant parfois de sa zone de maîtrise. Dans ce cas, nous considérons que la personne est en situation de vulnérabilité environnementale, parce qu’elle a perdu la capacité de manipuler l’environnement. Une situation similaire à celle observée avec le déclin des capacités et la perte de ressources chez l’aîné. L’environnement devient une entrave aux habitudes de vie de l’aîné et le place dans une situation de handicap (Fougeyrollas et al., 2015). Pour revenir dans sa zone de maîtrise, la personne devra adopter des nouvelles stratégies comportementales (Kahana, 1982) pour se protéger, faire face et s’adapter à la situation de vulnérabilité face à son environnement.
La gérontologie critique : un domaine de recherche méconnue (Salomé Vallette)
Salomé Vallette (INRS)
Bien que le terme « gérontologie » ou « gérontologie sociale » soit connu au Québec, il semble qu’il soit rarement utilisé dans l’espace francophone, comme la France, la Suisse et la Belgique, comparativement aux pays anglophones (Moulaert 2012). En effet, les chercheurs francophones préfèrent associer le terme « vieillissement » à leur discipline (sociologie du vieillissement, psychologie du vieillissement, etc.) plutôt que de se définir comme gérontologue. Outre pour le Québec qui fait exception par sa position intermédiaire entre l’espace francophone et anglophone, la gérontologie critique n’est connue que par quelques chercheurs, et ce, lorsqu’elle n’est pas associée à la gérontologie sociale (Moulaert 2012). Souhaitant offrir une voie alternative face aux approches conventionnelles concernant le « problème de l’âge » (Moody 2008), les gérontologues critiques s’opposent aux théories dominantes du vieillissement, issues des sciences biologiques et médicales ainsi que de la sociologie fonctionnaliste (A. Walker 2006) Elle déplore également que les études portent une attention accrue à une série de modèles de vieillissement en gérontologie et en santé publique qui mettent l’accent sur l’activité, la mobilité et la productivité en tant que moyens sains et souhaitables de vieillir (Martinson et Halpern 2011; Caradac et al. 2017) et non de comprendre les personnes vieillissantes. Alors que le programme MADA est de plus en plus utilisé dans les municipalités québécoises, il convient, en conséquence, de s’intéresser aux différences d’expériences du vieillissement selon les espaces de vie des aîné·es.
D’autres présentations des membres de l’équipe VIES
CAG 2021
COLLOQUE
Narrative and Life Course Approaches in Today’s Gerontology – Part 2: Intersectional Insights
Chercheure responsable : Emilie Raymond, Université Laval
“Then I was labelled sick with a capital S…”: suffering and narrative identity of eldery men with incurable cancer (Valérie Bourgeois-Guérin et coll.)
Valérie Bourgeois-Guérin, David Lavoie, Gabrielle Poulin, Émilie Cormier (Université du Québec à Montréal)
Living with an incurable cancer is an experience that often comes with different types of suffering. While medical studies have looked at the pain experienced by people with cancer, few have looked at the intimate and psychological suffering that can be experienced by them. This is especially true for older men with incurable cancer, which represents a vast majority of them. However, an overview of writings from various theoretical perspectives suggests that many sufferings can be experienced by these men. Writings on narrative identity linked with literatures from humanist psychology, critical gerontology and gender studies portray how the realities of aging in men and having a life-threatening illness can cause suffering. From these perspectives, we asked : how does elderly men with incurable cancer live the experience of suffering? Aiming to answer this question, we conducted a qualitative study with 17 elderly men with incurable cancer. Through semi-structured interviews, we explored their lived experience of suffering by questioning them about different aspects of their situation, including their perspective on aging, social roles, gender and communication issues. Our thematic analysis of the data highlights how these men’s suffering is linked to their struggles integrating different parts of their experience into ones’ narrative identity. The storyline of their ‘wholeness’, especially when it concerns their social roles and the disease, is often described as a transformational one, in which are encountered different experiences of adversity and adaptation, radical normality and change, disappointment and hope.
L’approche du parcours de vie pour éclairer l’expérience des personnes aînées proches aidantes LGBTQ (Julie Beauchamp et coll.)
Julie Beauchamp (Université Laval), Isabelle Wallach (UQAM), Isabelle Van Pevenage (Université de Montréal), Sophie Éthier (Université Laval)
L’objectif de la communication est de documenter les enjeux spécifiques des personnes aînées proches aidantes LGBTQ à la lumière de la perspective du parcours de vie et de la théorie du stress minoritaire. L’approche du parcours de vie permet d’analyser les trajectoires des aîné.e.s proches aidant.e.s LGBTQ ainsi que les transitions vécues et les conséquences sur leurs parcours de vie. La théorie du stress minoritaire postule que l’accumulation de stresseurs liés à la victimisation, la discrimination et la gestion du dévoilement du statut LGBTQ affecte le bien-être et la santé. En nous appuyant sur les écrits scientifiques, l’analyse abordera l’influence des expériences de discriminations vécues ou anticipées par les personnes aînées proches aidantes LGBTQ; la gestion de la divulgation ou non de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre dans les services sociaux et de santé; ainsi que la reconnaissance ou non du/de la partenaire et de la famille « choisie » sur le prendre soin, l’accès aux services et le soutien reçu. Plus spécifiquement, les articulations entre le contexte sociohistorique et les structures sociales, les transitions, l’agentivité, le réseau social ainsi que les obstacles dans le soutien pendant le parcours de soins seront présentées.
COLLOQUE
The Right Place? A Closer Look at Supporting Practices for Aging Persons Experiencing Homelessness in Canada
Chercheures responsables :
Émilie Cormier (Université du Québec à Montréal)
Hannah Brais (Old Brewery Mission)
Through the service providers’ eyes: A first glance on practices aiming to support aging in the right place for older adults experiencing homelessness in Montréal (Émilie Cormier et coll.)
Émilie Cormier (Université du Québec à Montréal), Hannah Brais (Old Brewery Mission), Diandra Serrano (Université McGill), Tamara Sussman (Université McGill), Valérie Bourgeois-Guérin (Université du Québec à Montréal)
It is increasingly recognized that older people who are homeless have unique life trajectories, goals and vulnerabilities that must be accounted for in service provision. Tailored services for older persons who have experienced homelessness (OPEH) are therefore paramount. As a component of a larger study aimed at identifying the extent to which promising housing practices designed for OPEH support Aging in the Right place, this study reports findings from service providers (n=5) affiliated with one innovative transitional housing program in Montreal. Using qualitative in-depth interviews, the study explored how the organization’s history, eligibility criteria, funding sources and physical environment work together to support or challenge Aging in the Right place for OPEH from the perspective of service providers. Thematic analysis of the interviews revealed that personalized approaches tend to strengthen the OPEH’s ability to remain in place, by facilitating access to resources within and beyond the practice, enhancing OPEH’s emotional place attachment, and fostering social participation and inclusion. Findings also indicated that the type of service provided may be better suited to OPEH who still have a high degree of autonomy as the support provided was limited in cases of physical or mental health decline. These limitations hint at the challenges and issues posed by the transitional aspect of a service offered to OPEH in response to their need and desire for stability in the turbulence that aging can bring forth.
COLLOQUE
Dying and Death Care / Soins liés à la fin de vie et au décès
“I want to make sure that my last requests are taken seriously”: The Challenges of Advance Care Planning Engagement in Long Term Care (Tamara Sussman et coll.)
Tamara Sussman (Université McGill), Susan Mintzberg (Université McGill), Sharon Kaasalainen (McMaster University), Hagit Sinai-Glazer (Tel Aviv University), Lorraine Venturato (University of Calgary), Patricia Strachan (McMaster University)
This interpretative qualitative study explored residents’ and families’ perspectives on advance care planning (ACP) in long term care (LTC) prior to the onset of the COVID 19 pandemic. Perspectives on when, how and with whom ACP discussions should be introduced and; barriers and solutions to improving ACP engagement were examined. Fifty-one residents and families participated in seven focus groups. Our findings revealed that residents and families prioritized caring connections over professional rank when reflecting on staff involvement in ACP. Our findings further revealed that the caring and compassionate environment considered to be a critical pre-condition for ACP engagement was more typically enacted at end of life (EOL) when ACP was no longer an option. As we look to repair and address longstanding issues in LTC, it is our hope that our findings, serve as a critical reminder that the provision of compassionate care must be viewed as a priority in LTC from the time of entry until death. Not only has its absence inhibited ACP uptake but it has served to severely compromise the quality of life and care in LTC for residents, families, and staff alike.